En route vers Tarse et la Cappadoce.

Pour les photos, cliquez ici.

Miss Astride apprécie sérieusement le petit confort bourgeois qui nous fût offert!!! Au lieu du lever qui avait été fixé à 6:00 pour un départ matinal, elle bénéficia d'un petit décalage horaire 'prolongation douillette'!

A 7:30 nous descendons pour le petit déjeuner préparé de manière charmante par le docteur Servet, et nous dégustons à nouveau les produits de son jardin: confiture de fraise, concombres, tomates. La discussion bat vite son plein à nouveau sur la diversité turque et le problème de l'insertion en Europe.

Au moment du départ, le docteur exprime son désir de nous accompagner jusqu'à la route principale avec son vélo décathlon (dont je convoiterais volontiers la béquille la mienne devenant toute 'chewing gum', en raison de l'excès de poids). Petite promenade sympathique, durant laquelle nous rencontrons plusieurs de ses voisins.

C'est à partir de ce moment précis, que nous nous sommes rendus compte des distances gigantesques du pays. On a l'impression de patiner sur la carte, en comparaison des autres pays.

En direction de Silifke, nous avons pu admirer dans les hauteurs à flanc du mont Taurus, les ruines de l'ancien monastère dédié à Sainte Thècle, cette fidèle compagnon et fondatrice du christianisme en Turquie. en savoir +

Petit arrêt à Silifke, où l'on a pu admirer le château croisé dominant la ville. Toute cette région côtière a été fortement marquée par les croisades, et de-ci de-là , on voit pointer des ruines médiévales, dont la plupart remontent au Lusignan

L'étape suivante fut 'le ciel et l'enfer'. Destination assez tranchée… et nous comme des malheureux nous avons commencé par le ciel pour finir en enfer! Toujours est il que ces deux destinations dans ce pays se trouvent en haut d'une côte de plus de 15%. Moi qui croyait que le chemin de l'enfer était une voie royale aisée et descendante!!!

Le Ciel et l'Enfer désignent deux dépressions de terrain, ou plutôt l'affaissement de deux voûtes naturelles. Ce phénomène n'est pas rare dans ce pays: Le ruisseaux souterrains érodent la roche petit à petit et après des siècles l'érosion est telle que la voûte rocheuse s'effondre laissant apparaître ainsi comme des immenses puits, en l'occurrence ici deux impressionnants cratères de plus de 50 mètres de profondeur. L'un s'appelle Paradis car un religieux y a établi demeure en construisant une jolie petite chapelle tandis que l'autre n'ayant aucun accès est resté un gouffre béant, dont la mythologie s'est accaparé. En effet Zeus aurait enfermé ici Python, ce monstre à plusieurs têtes avant de le reléguer définitivement aux Hades.

La visite finie, nous laissons un message de paix dessiné avec les pierres au fond du paradis, l'effet est remarquable d'en haut, on verra si il survivra au temps (si vous passez par là dites nous si ce souhait prophétique est toujours là-bas!)

La descente provoqua quelques émotions fortes, et si mes souvenirs sont bons la dernière côte de ce genre remonte à la Jordanie. Cela fait du bien à descendre et du moment que nous ne terminons pas dans les tombeaux romains qui bordent la côte tout ira pour le mieux. Petite visite rapide du château croisé des Lusignan qui était fermé, et dîner sympathique face au château de la servante (nom arabe très usité: un don d'un vizir à sa fille), forteresse qui semble partir à la dérive sur son rocher au milieu des eaux.

La nuit gagnante, et notre point de chute n'étant pas atteint on fait du stop et un minibus inter-villes accepte de prendre nos vélos à bord (Notre premier bus depuis la Jordanie, attention!). Mal nous a pris car le groom de service nous impose après quelques instants un prix dépassant la moyenne!!!

Arrivés à Mersin, on se renseigne sur les horaires des bus vers la Cappadoce et éventuellement un lieu pour crécher. N'ayant que le hall de gare comme refuge, on décide de planter la tente dans le jardin municipal, sous l'oeil fier d'Ataturk qui se tient figé à l'entrée du parc. Chemin faisant, on aperçoit une croix illuminée dans le ciel! Saisis par une joie semblable à celle des mages en route pour Bethléem, nous allons frapper à la porte, et un immense Capucin nous accueille avec une grande bonhomie.

Autant l'accueil des franciscains de Chypre nous avait déçu, autant cet accueil fut absolument exceptionnel. Dans une grande simplicité, malgré l'heure tardive à laquelle on sonnait, notre capucin, appelle le supérieur, qui se met en quatre pour nous. Immédiatement conduit au réfectoire pour nous restaurer, ils s'assoient avec nous et nous entretiennent comme de grands amis. On s'est senti vraiment introduit dans la famille.

C'est là, au cours de la discussion, que nous découvrons un aspect négatif de la Turquie: le manque de liberté de pensée, chose curieuse dans un état qui se prétend démocratique.

En effet le bon père supérieur, qui est ici depuis plus de 50 ans a déjà subi deux emprisonnements. L'équipe des capucins a du fermer l'école qu'ils ont construite, ceci sous le prétexte de laïcité! La raison profonde, d'après le père, vient de la non acceptation du christianisme par la partie musulmane de tendance plus intégriste, qui a tendance à étendre sa zone d'influence. Les musulmans ont le droit dans cet état laïc de construire des écoles et des mosquées, mais cette permission n'est jamais octroyée aux chrétiens. Cela fait craindre un peu, dans un pays si moderne et au plein milieu du 20è siècle, à la veille de rentrer dans l'Europe. Cette attitude est à déplorer et va à l'encontre des programmes d'Ataturk.

Sur ce constat, tout tristes, mais pleins du bon regard des pères, nous allons nous coucher chacun dans une des cellules des anciens étudiants pour refaire nos forces, non sans avoir lu notre passage quotidien de Saint Paul

C'est à Silifke, bourgade où nous nous sommes arrêtés et qui est appelée Séleucie dans la Bible, que Paul passera lors de son premier voyage avec Barnabé et Jean Marc, comme on peut le lire dans les Actes au chapitre 13:4. En un mot nous avons fait presque le parcours inverse de Paul, car c'est de là qu'il passa à Chypre.

Pour les photos, cliquez ici.